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Le Canard inquiet
27 avril 2021

La force du constat

Alors que je me laisse aller à revendiquer le pouvoir d'atteindre quelque espoir de romance, d'amitié augmentée, même d'un simple flirt, je vois jusqu'à très loin au-dessous qu'il n'y a plus rien pour soutenir des ambitions que je me sens obligé d'abandonner pour répondre aux impératifs d'une société implacable et de ses citoyens qui, même s'ils mâchent leurs mots, finiront tous par aiguiller ma transe légère vers la réalité en me faisant bien comprendre qu'un schizophrène, même stabilisé, ne peut décemment pas, au vu de son parcours, de sa position dans le système - bien au chaud et ne servant proprement à rien sinon à s'auto-complimenter d'être libre - et de ce qu'il peut apporter à quelque autre foyer que le sien, prétendre voler à d'autres personnes plus accomplies le droit légitime de profiter de ses rêves inadéquats. Investi au dernier degré de la raison, en secret la dépassant allègrement, je médite mon manque de sens commun après avoir cru modeler la vie à ma convenance et envisagé de laisser tomber ma clique pour finir dans les bras amusés d'une femme que j'aurais pu, malgré l'absconsité de la chose, aimer à en crever. Car bien sûr, je me fourvoie, je plane, je dérange, je suis aussi emporté qu'empoté et reste aveugle à la sagesse que partage l'humanité dans les marges de sa foi en les hiérarchies de l'amour, au rez-de-chaussée desquelles je traîne lascivement en imaginant des hérésies sociales que seul un fou peut avoir la foi de transgresser sans dommage. Mais ce n'est pas sa faute. Son enthousiasme s'est délité, son envie de partage s'est effrité, ou peut-être est-ce juste ses propres soucis qui ont fait son plaisir péricliter. Et même si, Grand Dieu, je me trompais, mon harcèlement quotidien est une preuve de plus que mon obsession sentimentale, part prenante de mon délire latent, n'est pas guérie, sa chronicité indiquant peut-être qu'elle ne le sera jamais. Ce serait très certainement souffrance pour nous deux que d'essayer de participer à l'attentat au bon sens qui veut braver les barrières que la sociologie dans son plus large ensemble reconnaît à l'établissement de ce qui, d'une certaine façon, est un crime contre la pensée dans le monde tel qu'il se pratique présentement. Un idéal chevaleresque se plairait à inventer un monde idéal où les cœurs se rapprochent en-dehors de la mécanique sociale imposée mais rien ne viendra confirmer qu'en notre temps il puisse y avoir un amour heureux entre les contractants de deux univers que ne rapprochent que les passions idoines qui y sont permises, à savoir la littérature et les jeux vidéo. Car tout le reste n'est que poésie. Et mon incomplétude ne réussira jamais à franchir la frontière qui mène au pays des gens intégrés, qui plus est elle, bien plus solide que moi, suant sang et eau pour sa petite famille et méritant, de fait, auprès d'elle une personne d'esprit plus sain et de rang moins vain que ceux qui me font n'être que moi-même.

Je sais mes réalisations. Et, bien qu'elles ne soient de celles dont il faut s'apitoyer, je n'y trouve de goût qu'en me les affligeant pompeusement pour en faire l'étendard de ce qui légitime mon statut : la psychose. Grand bien soit fait aux gens occupés à faire grandir des enfants de réussir à m'éviter dans leur intimité. La complaisance dans laquelle je devrais me lover, en toute conscience, est celle qui me fera exister comme être de droit dans la zone circonscrite où je barbote, manifestement heureux la plupart du temps, sans déranger les projets trop hauts pour moi qui préexistent à tous mes pitoyables émois. Il faudra peut-être libérer les chiens fous de mon délire, en délivrer l'absurdité pour l'exposer à la masse avide de connaître les déboires comiques de mon inadaptation. Mon cahier magik a déjà montré qu'une ampoule était mal vissée sur le chandelier qui tente, avec un succès très modéré, d'éclairer ma vie dans sa perception la plus licite et qui ne met en lumière que mon fol emportement sentimental. Cette obsession, j'en répète l'évocation, trouve ses racines dans des dispositions que je connais mais que je me permettrais de ne pas laisser à la libre approbation de cette micro-foule lectrice qui dévore mon âme, jetée là en pâture, en en découpant les phrases d'un contexte que je laisse volontairement trouble. Je me méprise de bon gré d'avoir envisagé, même une seconde serait déjà de trop, chambouler la vie d'une femme aux vertus bien plus grandes que les miennes et aux aspirations méritant plus que le pauvre hère que je suis, à peine capable de vivre au-dessus de sa littérature complaisante et malsaine. Ce que je vaux trouvera le chemin de la résolution de mes crimes de lèse-majesté dans l'acceptation toute simple que je suis voué à ne vivre que d'amitiés, sans doute très fortes, et de ce que la médication me permet encore d'onanisme thérapeutique – deux ou trois fois par mois. Si j'ai fauté, ce n'est guère que par bêtise. J'ai présumé trop fort de ma valeur, je suis marqué aux fers pour vivre dans les marges, divertissant mon monde de mes intempesties et de mes lubies stupides. La schizosphère a replié ses griffes sur mon corps enfin prêt à accueillir la morsure du discernement et à retrouver la raison un instant suffisant pour ne pas commettre de délit au bon sens irréparable.

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