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Le Canard inquiet
24 avril 2021

Nous est un Je

A notre chevet, Sieur Effervescence accompagne nos gestes les plus embarrassants. Il régule tout dès qu'il est l'heure d'y céder. Il se laisse distraire par Dame Patience, qui, elle, modère ses méfaits et ses lubies. Tout deux cherchent à s'entendre, ils font ménage à trois avec l'Ange Espoir qui ne cache pas toujours le mépris qu'il peut avoir pour les choses de basse intensité. Nous voilà acculés à suspendre nos sentiments en attendant de juger de leur véracité. Nous y voilà... Et c'est un doux et délicat chemin que de tendre vers un but commun malgré que son essence soit spoliée par le temps et la distance. Mais Dame Patience a raison. Après tout, se jeter dans les Feux de l'Amour (une série qui n'en finit jamais de péripéties) demande plus qu'accepter, il faut aussi assumer. Le Maître de notre Geôle n'y voit rien à redire, lui qui décidera peut-être de nous libérer bientôt de notre laisse de 10 km en répondant aux déboires animiques qu'il aura suscités, et qui impose avec autorité son rythme aux cœurs désormais en doute. Nous ne nous laisserons pas aller, notre cockpit est vaillant et il voit le monde pour nous, assurant que l'humanité toute entière vit sous le joug de cette indisposition momentanée. C'est en quelque sorte un pied-de-nez à la toute vitesse du Net, qui d'habitude encourage à la précipitation et permet à l'Ange Espoir de se gonfler d'une vanité aussi fervente que malhabilement placée. Dans ce Carnaval, nous trouvons une place. Cette place, elle remue, elle se gonfle comme pour voler et nous désarçonne. Est-il déjà trop tard ? Avons-nous bien agi ? Sommes-nous dignes de nos désirs ? Pourquoi l'écrivons-nous ? Avons-nous vraiment besoin de partager notre circonspection ? Attendons-nous une réaction du lecteur ? Fuyons-nous ? Avons-nous peur du vide sous les pieds de notre Corps planant ? Un peu ivres, nous tergiversons, nous sommes trop Simple d'Esprit pour croire que nous faisons fausse route et assez lucide pour savoir que le Désemparement surveille la porte de ce monde rêvé. Nous pourrions magnifier ce dont la Nature nous bonifie et faire l'effort de circonscrire (un peu) ce par quoi notre Culture nous rend indigeste. Tout cela mêlé, l'on peut envisager d'accomplir de grandes choses (pour nous ce sont de grandes choses), chambouler l'axe de la compassion pour y faire naître de l'affection. De l'amitié, certes. Mais bien plus que cela également. Une proximité, une intimité, une immixtion dans la vie de l'Autre qui ne porte pas préjudice, qui n'en a pas même la moindre intention. Pour l'instant, tout cela manque de gestes, nous sommes Guignol derrière notre écran, nous faisons de grandes phrases et n'attendons que de nous montrer sous notre jour le plus vrai, enfin débarrassés des médias qui eux seuls pour l'instant permettent à nos caractères de s'exprimer. Oui, il faudra plus que cela.

Le Tact nous conduit à la Diligence et la Prudence, bien qu'elle soit dans son droit, nous irrite. Nous voulons vivre heureux, disons que nous voulons aussi rendre heureux. Les Feux de la Rampe nous brûlent déjà la nuque ; pourtant c'est très supportable, une chaleur docile dont nous ne constaterons les méfaits que lorsque le monde se liguera pour en finir avec notre empressement littéraire. Car nous ne faisons pour l'instant pas beaucoup plus. Si, nous sommes présents, nous le montrons, nous voulons que l'Autre se sente comprise, qu'elle ait la place qu'elle mérite au petit matin et au tournant de la nuit, libre de dépenser son énergie à sa guise le reste du temps. Car nous ne voulons pas enfermer une vie, nous voulons désentraver ses intentions affectives pour lui promettre les nôtres. Nous le disons tout haut, nous voulons être entendus. Mais nous restons discrets sur les tranches de vie que nous partageons, la pudeur nous rend avares sur les points que notre entendement juge privés. Nous déblatérons quand même, parce que malgré tout c'est bien une des rares choses que nous sommes capables d'entreprendre. Est-ce mal ? Faisons-nous tant de mal à relater notre joie et notre pondérance ? La conclusion de tout cela est enfermée dans un des coffres de Dame Patience. Saurons-nous en être dignes ? La clé se trouvera dans l'échange de nos regards, un jour arrivant à pas feutrés et lents, dans le partage de nos vies qui décideront peut-être de se mêler pour un voyage de ceux que nous avons toujours pu espérer en secret.

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